PERFORMER-TRANSFORMER

11 DÉCEMBRE

 

Alors que je commence à déguiser en barrières les blocs de béton derrière la fontaine, un responsable de la propreté arrive en tracteur en m’accusant de dégrader le mobilier urbain sans autorisation.

 

Deux motos de police le suivent de près.

 

Je passe deux heures en leur compagnie pendant que le pc appelle différents services de la mairie pour savoir s’il faut me laisser continuer ou pas.

 

Je me situe entre l’intervention pirate et l’art officiel, puisque j’ai un soutien de principe de la mairie pour ce projet mais que j’ai agi sans autorisation explicite à ce moment.

 

C’est dans cet entre-deux et dans ce type de rencontres que je trouve ma place et qu’elle prend une légitimité à mes yeux.

 

En attendant la réponse du pc, je discute avec les policiers qui me suggèrent de peindre cette fontaine comme une borne kilométrique et me donnent la référence d’un peintre qui fait de l’art éphémère. finalement le verdict tombe : « vous pouvez poursuivre votre œuvre ».

 

Le cabinet du maire a néanmoins reçu des photos du « no pasaran » avant que je ne le recouvre. J’écris une lettre pour m’en excuser. par cette inscription pourtant vite effacée, j’ai basculé de ma culture de l’ambigüité vers un message trop univoque. le propos de cette œuvre au long cours se précise grâce à cet épisode.

 

Je reviens l’après midi et discute un moment avec les boulistes. certains rient de tout ça, l’un d’entre eux est furieux que la police m’ait laissé faire.

 

Il insulte les journalistes venus m’interviewer et me promet l’hôpital psychiatrique ou un coup de fusil.

 

12 DÉCEMBRE

 

Je viens finir mon œuvre. Je me suis aperçu que cette fontaine servait beaucoup, en particulier à des gens qui ont besoin de venir y puiser de l’eau pour boire ou se laver.

 

Les boulistes, les sdfs, les enfants qui rentrent de l’école, la police, les services administratifs, les services de nettoyage, font tous partie de cette histoire.

 

Ferdinand en chantier (2011),

reproduction des pages 14 et 15 du livre éponyme (éditions N'a Qu'un oeil).